Demain, nous imprimerons et mangerons des steaks d’humains
Demain, nous imprimerons et mangerons des steaks d’humains
Chaque semaine une prévision vous propulse dans le futur
â ChĂ©ri, quâest-ce que tu faisâ?
â Je rĂ©cupĂšre tes cellules souches pour mâimprimer un steak de toi.
â Tu mâaimes tant que celaâ?
â Oh, câest juste que, comme tu me bouffes la vie, jâai parfois envie de te dĂ©vorer tout cru.
On prĂ©voit 9,7 milliards dâhabitants en 2050. Pour limiter les gaz Ă effet de serre et nourrir tout le monde, il faut transformer la maniĂšre dont on se nourrit. La viande artificielle imprimĂ©e est une des pistes. Explorons-la.
Vous pouvez écouter le podcast pour survoler le sujet en deux minutes ou découvrir les innovations, recherches et les incidences de la prévision sur notre futur quotidien.
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CâEST DĂJĂ DEMAIN
La science révolutionne le cannibalisme
La viande artificielle, câest de la fiction devenue rĂ©alitĂ©.
En 2013, le premier hamburger fabriquĂ© en laboratoire a Ă©tĂ© dĂ©gustĂ© Ă Londres. Le repas a coĂ»tĂ© 290â000 ⏠en recherche.
Quelques années plus tard, en 2020, la viande cultivée est autorisée à la vente à Singapour. Des restaurants proposent des nuggets artificiels.
Juin 2023, les Ătats-Unis autorisent la vente de la viande cultivĂ©e en laboratoire.
Plus de 150 entreprises travaillent aujourdâhui Ă dĂ©velopper ce que certains considĂšrent comme une nourriture de lâavenir.
Pour fabriquer de la viande artificielle, il faut prĂ©lever des cellules souches, les mettre dans un biorĂ©acteur et les nourrir. Quand les cellules sont suffisamment nombreuses, on les assemble en un tissu musculaire artificiel que lâon peut nommer steak.
Le principe est bien entendu de prĂ©lever des cellules de poulets, de bĆufs ou autres animaux. Mais, lâhomme Ă©tant un mammifĂšre, pourquoi ne pas prĂ©lever ses cellules-souches. âšEt câest parti pour la crĂ©ation dâun steak dâhumainâ!
Lâimpression alimentaire
Dans le film Star Trek, un synthĂ©tiseur molĂ©culaire fabrique les repas. Aujourdâhui, des imprimantes 3D alimentaires sont capables de crĂ©er des plats Ă partir de diffĂ©rentes pĂątes et matiĂšres.
Le concept est le mĂȘme que pour les autres imprimantes 3D : on crĂ©e un programme et lâimprimante 3D imprime des couches. Pour les imprimantes alimentaires, il suffit de changer les matĂ©riaux plastiques souvent utilisĂ©s par des cartouches dâaliments comestibles.
On peut bien entendu mettre une cartouche de cellules animales et, vous lâavez compris, de cellules humaines.
Si l’on fait lâimpasse sur lâĂ©thique et la morale, on peut donc avoir dans un avenir trĂšs proche un steak dâhumain dans son assiette.
ET SI DEMAIN, ON S’IMPRIMAIT DES STEAKS D’HUMAINS ?
Guy Privan Ă©crit dans le «âPetit prĂ©cis de cuisine anthropophageâ» :
LâappĂ©tit qui vous vient en mangeant votre semblable nâest que la phase cruciale et remarquablement gastronomique de lâamour du prochain.â
Pour vous prĂ©parer Ă cet amour, commençons par observer le changement provoquĂ© par la viande en laboratoire et lâimpression alimentaire.
La fin des souffrances animales
Le steak en pipette va provoquer lâarrĂȘt des souffrances animales et de pollution.
On estime Ă 70 milliards le nombre dâanimaux abattus chaque annĂ©e dans le monde pour lâalimentation. La majoritĂ© des truies Ă©levĂ©es pour la production de la viande de porc vivent dans de minuscules cages.
La production animale est un pilier du systÚme alimentaire mondial. Elle fournit des protéines essentielles et enrichit les cultures avec le fumier.
Lâimpact environnemental de ces Ă©levages est dantesque. Selon lâOrganisation des Nations unies pour lâalimentation et lâagriculture (FAO), la production de viande conventionnelle reprĂ©sente 18 % des Ă©missions de gaz Ă effet de serre. Plus de 70 % des cultures sont destinĂ©s au bĂ©tail.
Avoir de la viande dans son assiette sans tuer dâanimaux et sans pollution est donc sĂ©duisant.
Quand la viande artificielle sera dans toutes nos assiettes, il nous restera juste quâĂ regretter le bon vieux temps oĂč les vaches regardaient passer le train et nous pensions que leurs bouses Ă©taient plus utiles que les jolis discours Ă©coresponsables. Elles permettaient au moins de faire de lâengrais !
Il nâest pas sĂ»r que cela soit pour demain. Pour lâinstant, ce quâon nomme la «âclean meatâ» ne semble pas vraiment « clean ». Des chercheurs dâOxford estiment que lâempreinte carbone de la viande de laboratoire est cinq fois supĂ©rieure Ă celle effectuĂ©e par lâĂ©levage de poulets. La purification des nutriments utilisĂ©s produit dâimportantes Ă©missions.
Une alimentation personnalisée
Lâimpression 3D a crĂ©Ă© un sĂ©isme dans de nombreuses industries. Lâindustrie alimentaire sera-t-elle la suivanteâ? Va-t-on mettre au placard nos casseroles et les remplacer par une machine qui imprime notre repasâ?
Si câest le cas, on pourra avoir une alimentation personnalisĂ©e.
Deux couches de viande, une couche dâaubergine, une autre dâantibiotique. On aura des rĂ©gimes Ă©quilibrĂ©s au milligramme.
DuretĂ©Â 18 pour celui qui veut en croquer, 1 pour papy qui a plus de dents. On pourra aussi faire varier les textures et soigner les prĂ©sentations. On ne continuera plus Ă jeter des plĂątrĂ©es marronnasses dans les assiettes des anciens. La technologie sera peut-ĂȘtre une voie pour que la sociĂ©tĂ© commence Ă les respecter. Rien nâinterdit de rĂȘver !
RĂ©duction du gaspillage alimentaire
Plus de 1,3 milliard de tonnes de dĂ©chets alimentaires sont gĂ©nĂ©rĂ©s chaque annĂ©e. Lâimprimante de viande 3D pouvant ĂȘtre alimentĂ©e de fruits et dâautres restes alimentaires, on va rĂ©duire le gaspillage.
Un steak de soi-mĂȘme
Pour lâimpression du steak de soi-mĂȘme, on va rester sur sa faim
Une Ă©tude publiĂ©e dans Scientific Reports sâest intĂ©ressĂ©e Ă la valeur nutritive de la viande dâhomme. Alors que les viandes de sangliers et de castors reprĂ©sentent environ 1â800 calories pour chaque portion de 500 g de muscle, la viande humaine nâoffre que 650 calories.
 Du tabou à la folie
La consommation de chair humaine se retrouve sur tous les continents au fil des époques. Encore présente au 16e siÚcle sur le continent américain et en Océanie, cette pratique est devenue rare et un tabou culturel.
MĂȘme lâanthropophagie semble une pratique barbare, cela a Ă©tĂ© utile Ă la survie.
Au Moyen Ăge, on mangeait des parties dâĂȘtres humains pour guĂ©rir diverses maladies. Chez les NĂ©andertaliens et les Homo sapiens, le cannibalisme Ă©tait une Ă©tape dâun rite funĂ©raire. En se nourrissant de la chair humaine, lâHomme prĂ©historique sâappropriait les qualitĂ©s du dĂ©funt.
Partant de lĂ , on peut penser que, en mangeant les individus qui vous bouffent la vie, vous allez commencer Ă apprĂ©cier leurs qualitĂ©s. Si vous fabriquez et mangez des steaks de vous-mĂȘme, vous allez mettre vos qualitĂ©s dans une boucle dâenrichissement permanent. Comme on disait plus haut, rien nâinterdit de rĂȘver !
Le problĂšme est que vous risquez de sombrer dans la folie. La vache folle ou encĂ©phalopathie spongiforme bovine est une maladie neurodĂ©gĂ©nĂ©rative provenant de lâalimentation des bovins de farines animales, obtenues Ă partir de parties non consommĂ©es des carcasses bovines. En mangeant ses pairs, la vache est devenue folle. Les humains qui mangent des humains peuvent connaĂźtre le mĂȘme sort. ‘
Pour conclure, je vous propose quelques lignes de «âPourquoi jâai mangĂ© mon pĂšreâ» de Roy Lewis.
Alors que la mĂšre demande Ă son fils de bien mastiquer pour finir lâĂ©lĂ©phant, le pĂšre dit :
Jâai calculĂ© grosso modo que nous passons un tiers de notre vie Ă dormir, un tiers Ă courir derriĂšre la viande, et tout le reste Ă mastiquer. OĂč prendre le temps pour mĂ©diterâ? Ce nâest pas avec cette sorte de remĂąchage que nous ruminerons nos connaissances et assouplirons nos rĂ©flexions. Si nous voulons pouvoir considĂ©rer nos objectifs avec plus de recul, il faudrait pouvoir reposer de temps en temps nos mandibules. Sans un minimum de loisir, pas de travail crĂ©ateur, par consĂ©quent pas de culture ni de civilisation.
Si lâidĂ©e de manger un steak dâhumain vous coupe lâappĂ©tit, vous reposerez vos mandibules. Vous pourrez alors en profiter pour imaginer dâautres solutions pour nourrir les 9 milliards dâindividus et diminuer lâempreinte carbone de lâalimentation.
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