Demain, la Terre sera carrée !

Demain

Nous organiserons le pot de dĂ©part d’un collĂšgue robot .
Nous programmerons nos bĂ©bĂ©s .
Nous aurons tous notre quart d’heure d’invisibilitĂ©.
Nous mangerons des steaks d’humains imprimĂ©s .
Nous aurons des quotas carbone .
Nos morts seront bien vivants .
Nous nous tĂ©lĂ©porterons .
Nous pratiquerons l’amour collaboratif .

C’est parti pour Demain, la Terre sera carrĂ©e ! Cette sĂ©rie hebdomadaire explorera des prĂ©visions. ‹AprĂšs avoir repĂ©rĂ© les innovations, les technologies, les tendances annonçant que demain est un autre jour, on articulera science et sociĂ©tĂ© en s’aventurant dans l’exploration de possibles changements induits par ces futurs.

La graine du projet Demain, la Terre sera carrĂ©e ! a Ă©tĂ© plantĂ©e lors d’un bel aprĂšs-midi caniculaire.

Ce jour-là, une adolescente de 13 ans est au bout de son monde. Son portable a perdu tout son jus ! En attendant qu’il reprenne vie, elle se distrait de son ennui en me posant une question :

— Au fait, c’est quoi prospectiviste ? Ça sert à quoi  ?

Connaissant la volatilitĂ© de l’attention des adolescents, je tente une rĂ©ponse claire et concise.

— Un prospectiviste sert Ă  imaginer demain pour agir aujourd’hui. C’est comme quand on doit diriger un bateau. Quand on sait oĂč l’on va, on peut tirer des bords et profiter des vents favorables.

— Donc, tu sais ce qui va se passer demain ?

Je signale que je ne suis pas Madame Irma. Donc je ne peux pas savoir si elle va vivre des amours exceptionnels, faire un carton avec sa story TikTok ou avoir la moyenne au devoir qu’elle a bĂąclĂ© en trois minutes avec ChatGPT.

Envisager des possibles

Je dois envisager des possibles Ă  partir d’innovations, des technologies et des prioritĂ©s sociĂ©tales. Je repĂšre des tendances Ă©mergentes et envisage des scĂ©narios pour demain.

J’ajoute que je m’attache Ă  la convergence d’élĂ©ments disparates, car c’est ce qui produit des changements.

J’illustre mon propos avec le Nutri-score qui bouleverse les industries alimentaires.

Pour y arriver, il a fallu une start-up qui dĂ©veloppe le dispositif. Des profs qui l’expliquent aux Ă©lĂšves. Des enfants qui incitent leurs parents Ă  acheter des produits bien notĂ©s.

J’ai parlĂ© au moins deux minutes. Je sens que le niveau de saturation de mon interlocutrice explose.

— Donc, tu n’es pas Madame Irma, mais tu fais des prĂ©visions. Tu ne te trompes jamais ?

En guise de rĂ©ponse, je lui raconte l’histoire, du mathĂ©maticien et philosophe anglais Bertrand Russell (1872-1970).

Une dinde a remarquĂ© que chaque matin des humains la nourrissent. Raisonnant par induction, et ayant recueilli un nombre estimĂ© suffisant d’observations (en l’occurrence, 364 jours), elle conclut Ă  la bontĂ© et Ă  la bienveillance des humains pour les dindes. Elle attend donc sereinement le 365e matin. C’est le jour le NoĂ«l : elle est tuĂ©e pour servir de repas ! Pendant 99,73 % du temps (364 jours sur 365) sa conjecture Ă©tait exacte et sa confiance dans ses prĂ©visions augmentait. Le dernier jour de l’annĂ©e vient annihiler cette prĂ©vision.

Je prĂ©cise que, comme d’autres, je peux aussi raisonner comme une dinde. 

Je ne suis pas une tortue

Mon auditrice sourit, se lĂšve. Son doudou Ă©lectronique n’est toujours pas ressuscitĂ©.

Quand elle revient, elle s’écroule sur le canapĂ© en disant :

— D’accord, j’ai compris. Tu disais tout Ă  l’heure que l’ocĂ©an est envahi par les plastiques et que c’est dramatique pour les tortues. Nous, nous ne sommes pas des tortues, alors quelle importance cela a pour nous.

Je précise que la pollution plastique peut avoir des conséquences néfastes pour elle en transportant, par exemple, des virus.

Elle effectue ce soufflement excédé que les ados savent si bien faire et dit :

— C’est toujours la mĂȘme chose. Quand les adultes parlent du futur, ils nous font peur. Le monde va se rĂ©chauffer. Cela va ĂȘtre horrible. En plus, ils nous culpabilisent. C’est Ă  cause de nous que cela va se produire. C’est parce qu’on a achetĂ© un petit haut chez Zara qui vient de Chine. La peur, tu crois que cela permet de rĂ©flĂ©chir ? Non. On a juste envie de se cacher et de ne plus vous Ă©couter. C’est comme quand vous parlez de l’intelligence artificielle. Vous racontez que des machines vont nous piquer tous les boulots. S’il ne nous reste rien, Ă  quoi bon travailler ?

J’ai la bouche ouverte. Je m’apprĂȘte Ă  rĂ©pondre.
Manque de chance, le doudou électronique revit. La conversation est terminée.

Demain, la Terre sera carrĂ©e ! est une rĂ©ponse Ă  cette adolescente et aux autres. L’idĂ©e est de montrer que le monde change pour le meilleur comme pour le pire. Mais, que chacun peut agir aujourd’hui pour crĂ©er le monde de demain qu’il dĂ©sire. Rien n’est perdu si on a l’esprit ouvert et qu’on garde sa capacitĂ© Ă  rire de toutes les extravagances technologiques.

Demain, la Terre sera carrĂ©e ! est une rĂ©flexion sur les innovations et recherches dĂ©veloppĂ©es aujourd’hui. AprĂšs un tour de piste de celles qui prĂ©figurent la prĂ©vision, on s’interrogera sur le monde qu’elles sont en train de fabriquer. Si la technologie et la science donnent du sens Ă  la vie des chercheurs et des dĂ©veloppeurs, elles leur font aussi parfois perdre le bon sens. Ces questionnements peuvent les aider Ă  rĂ©viser leurs copies et Ă  privilĂ©gier les pistes qui vont dans le sens de plus d’humanitĂ© et de partages.

Au menu de la semaine prochaine : Demain, nous programmerons nos bĂ©bĂ©s !

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