Demain, nous programmerons nos bébés

Chaque semaine une prévision vous propulse dans le futur

— Chéri pour le bébé, on pourrait avoir un garçon qui a le coup de pied de Ronaldo et la capacité à gagner de l’argent de Bill Gates.

 — Moi, je veux une fille aux yeux bleus avec le QI de Terence Tao.

— C’est qui ?

— Un mathématicien australien qui a un QI 230. Einstein, c’était juste 160.

Vous pouvez écouter le podcast pour survoler le sujet en deux minutes ou découvrir les innovations, recherches et les incidences de la prévision sur notre futur quotidien.

C’EST DÉJÀ DEMAIN

Choisir le sexe, la couleur des yeux, et le QI de son enfant et purifier son génome pour lui évider les maladies, ce sera bientôt possible…

Souhaitable ? C’est une autre histoire.

Après avoir découvert les signes annonciateurs de cette prévision, nous explorerons les conséquences.

Jacques Testart, le biologiste à l’origine de la naissance en 1982 d’Amandine, le premier bébé-éprouvette français, annonce l’arrivée de cette programmation :

« Dans notre société, où le marché passe avant tout principe moral, les oppositions à l’eugénisme sont de plus en plus faibles. Comme les capacités techniques augmentent très vite, que le coût des interventions diminue, que la demande pour avoir un bébé en parfaite santé augmente très fortement, l’affaire est bouclée ! »

Le décryptage du génome

Le génome humain est le code qui programme l’humain. C’est une encyclopédie en 46 volumes qui correspondent aux vingt-trois paires de chromosomes. Les informations sont gravées dans chaque cellule sur un ruban de près de 2 mètres, l’ADN.

En 2001, les chercheurs annoncent avoir réussi le premier séquençage du génome. C’était un peu prématuré. Il faudra une vingtaine d’années pour corriger ce brouillon truffé d’erreurs et incomplet.

L’affaire a coûté trois milliards de dollars et sollicité 20 000 experts internationaux pendant treize ans. Aujourd’hui, Ultima Genomics effectue ce décryptage pour cent euros.

Après les États-Unis, le Royaume-Uni a lancé en 2023 un programme consistant à séquencer le génome de 200 000 bébés. L’objectif est de repérer 200 maladies génétiques.

Le ciseau génétique

Le décryptage du génome permet de repérer les gènes. Pour les modifier, l’affaire a été complexe jusqu’à l’arrivée en 2013 de CRISPR-Cas9. Ce nom barbare désigne un ciseau moléculaire. Il a été mis au point par Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier. Ce tsunami technologique permet de reprogrammer un génome en une semaine au lieu de quelques mois.

Des bébés modifiés

Avril 2015, des chercheurs chinois affirment avoir procédé à des modifications génétiques sur des embryons humains. Ils ont modifié un gène responsable d’une maladie génétique du sang,

Novembre 2018, une équipe chinoise basée dirigée par le Dr He Jiankui annoncent la naissance de Lulu et Nana, les deux premiers bébés génétiquement modifiés à l’aide de la technologie CRISPR-Cas9. L’objectif est de protéger les futurs bébés d’une infection au VIH. Le scientifique a pris un gène rare qui rend les humains insensibles au VIH et l’a mis dans le code génétique des ovules et des spermatozoïdes des parents.

En mai 2023, un bébé avec l’ADN de trois parents (deux parents et une donneuse) est né au Royaume-Uni. Des mitochondries défectueuses de la mère ont été remplacées par celles de la donneuse.

L’eugénisme socialement correct

En 2013, les parents de Connor Levy ont expérimenté une technique de séquençage du génome mise au point par des chercheurs de l’université d’Oxford. Un scan a permis de repérer que seulement trois des treize embryons envoyés par le couple au laboratoire britannique ne présentaient pas de chromosomes en trop. Ils ont ensuite choisi l’heureux élu parmi les trois challengers…

Avec cette technologie, on pourra supprimer tous les embryons présentant des handicaps mentaux ou des maladies incurables. Cette discrimination génétique n’est pas nouvelle : un trisomique sur trente survit au test de dépistage prénatal.

Encore plus loin

Des chercheurs, menés par le Palestinien Jacob Hanna de l’Institut de Sciences Weizmann en Israël, a créé un modèle d’embryon humain sans spermatozoïde ni ovule. Ce simili-embryon utilise des
cellules souches humaines.

ET SI DEMAIN, ON PROGRAMMAIT LES BÉBÉS ?

Des parents rassurés à un nouvel eugénisme

Finies les angoisses du gène défaillant, les parents vont mettre au monde des enfants sains. Ils n’auraient plus l’angoisse de leur avoir transmis une maladie incurable.

Quand on est porteur de gène de maladies incurables, c’est un miracle. On peut juste craindre qu’une fois rassurés, ces parents désirent que leurs enfants ne soient pas uniquement parfaits, mais plus que parfaits. Après avoir éliminé les maladies et fabriquer un bébé « zéro défaut », pourquoi s’arrêter là. Quand il y a du bon gène, il y a du plaisir ! Si l’on peut jouer les bonnes fées en ajoutant dans la corbeille beauté, intelligence, sensibilité, dommage de s’en priver.

Le risque est que les enfants parfaits vont ressembler aux autres enfants parfaits. Cet eugénisme de la perfection va créer un monde aussi ennuyeux qu’appauvrissant… et donc pas vraiment parfait.

La mode dans les couveuses

Des oreilles de lutin, six doigts, des bras longs pour en découdre avec la vie… Si les excentricités de quelques influenceurs deviennent tendance, on risque d’assister à la naissance de génération de monstres.

Avec des bébés à la carte, on tuera tous les affreux. Le métissage et la biodiversité humaine vont céder la place à uniformisation. On clonera les génomes de ceux qui affichent des signes évidents de réussite.

Dans ce cas, la seule planche de salut est que les scientifiques fassent une progression quantique et réussissent à détecter et éliminer les gènes de la bêtise et de la connerie ! Pour l’instant, ce n’est pas gagné !

Crises de couples annoncés

– Chéri pour le bébé, tu veux garçon ou fille, yeux bleus ou marron, musclé ou longiligne, sportif ou créatif ?

Vu le nombre de critères, la programmation d’un bébé risque d’être sportive et d’autant si l’on introduit des considérations économiques.

– Chéri, on a le choix. On peut avoir une fille aux cheveux foncés avec une oreille musicale et un risque élevé de cancer du côlon. Ou un garçon doué pour le sport qui peut devenir bipolaire.

La programmation du bébé risque d’être la première cause de séparation.

L’inégalité des chances assistée par la science

Il y aura un eugénisme de l’argent. Il y aura les bébés améliorés des parents riches et les bébés bruts de fonderie des autres.

Les premiers seront débarrassés des gènes défaillants et dopés avec des gènes de gagneurs. Pour 1 000 de plus, vous m’en mettrez bien un grand, blond aux yeux bleus. J’ajoute 1 000 pour les muscles de Sylvester Stallone… Au diable l’avarice… Allez, encore 10 000 euros pour un métissage Georges Clooney et Albert Einstein. Avec ce cocktail génétique, le petit va peut-être nous inventer des capsules de café qui font pousser de l’argent !

Les autres auront affaire à la loterie pratiquée par dame Nature.

Quand, dans la même famille, il y aura des enfants modifiés et des enfants du hasard, on ne pourra qu’avoir recours à des psys à l’inégalité des chances assistée par la science.

Un des liants de la famille est le patrimoine génétique. Qui se ressemble, s’assemble, dit le dicton. Est-ce qu’on s’assemblera encore quand nos enfants, nos frères et sœurs n’auront plus aucune ressemblance physique et mentale avec nous ? Certainement, mais la mayonnaise aura sûrement plus de difficultés à prendre si la part d’inné se réduit.

Une nouvelle discrimination

Les assurances ont un modèle économique basé sur les risques. Dans cette logique, elles feront une facture légère pour ceux qui n’ont pas de risque d’avoir un cancer, un infarctus ou autres maladies. Les autres payeront le prix fort en se demandant si, en créant une nouvelle inégalité, la science va dans le sens du progrès.

Des bébés 100 % bio

Même si la science vous propose un kit de programmation, vous pourrez toujours fabriquer un bébé 100 % bio et l’élever en plein air loin des labos.

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