UNE AFFAIRE DE POIDS

A VOS CLAVIERS

La planĂšte a un vrai coup de chaud.
Pour l’aĂ©rer, il faut diversifier les sources Ă©nergĂ©tiques. AprĂšs l’énergie solaire, les biocarburants, les Ă©oliennes, l’énergie humaine a fait son entrĂ©e au tableau des sources de production. Comme cette Ă©nergie est Ă©cologique, renouvelable et inĂ©puisable, demain tous les lieux oĂč les dĂ©penses en Ă©nergie sont importantes (salles de sport, boĂźtes de nuit, cours de rĂ©crĂ©ation
) seront Ă©quipĂ©s en rĂ©cupĂ©rateurs.

La planĂšte a aussi un vrai coup de gros.
L’obĂ©sitĂ© est devenue un flĂ©au. Reconnue comme maladie par l’OMS en 1997, elle fait des ravages toujours plus grands. D’ici 2030, le nombre de personnes en surpoids  devrait atteindre 3,3 milliards de personnes.

Et pourquoi pas faire d’une pierre deux coups en Ă©liminant l’obĂ©sitĂ© en transformant la graisse en Ă©nergie humaine ? AprĂšs avoir lu « Histoire de Poids » Ă  vous d’imaginer un dispositif qui va rĂ©soudre deux problĂšmes.

Et si demain, on transformait notre graisse en Ă©lectricité  !

Mia a la graisse gĂ©nĂ©reuse. Elle s’en dĂ©barrasse en fournissant du jus. Ce rĂ©gime solidaire et Ă©cologique vaut le jus en mettant quelques kilos de bonheur dans la balance.

Mia est une « indicĂ©e ». Ce mot fait pousser des soupirs Ă  tous ceux qui croyaient que le grand chambardement technologique ferait voler en Ă©clat les terminologies bureaucratiques. Manque de chance, au cours de longues rĂ©unions, des technocrates se sont occupĂ©s en dĂ©cidant que le mot « obĂšse » Ă©tait discriminatoire. Ils l’ont remplacĂ© par le mot « indicé ». Ces cerveaux ont vendu l’affaire en expliquant que l’Indice de masse corporelle distingue les personnes ayant une morphologie normale de celles en surpoids.

Lucos n’a que faire de ces dĂ©lires de bureaucrates. IndicĂ©e, obĂšse, Mia est pour lui une femme de poids qui chaque jour lui offre des kilos d’amour. C’est d’ailleurs pour cela qu’il fait attention Ă  ses moindres signes de faiblesse.

— Mia, tu as l’air fatiguĂ©e

— J’ai l’impression qu’on m’a pompĂ© mon Ă©nergie.

— Tu donnes toujours trop.

— On ne se refait pas.

— Tu as alimentĂ© combien de personnes ?

Depuis quelque temps, Mia teste un dispositif miracle pour maigrir. Outre ĂȘtre garanti efficace, il est Ă©cologique et solidaire. Ses promoteurs l’ont d’ailleurs baptisĂ© « Innovation de l’annĂ©e ».

— Trois personnes, mais des gourmandes !

Le principe de ce systĂšme d’amaigrissement est de transformer la masse graisseuse en Ă©lectricitĂ©. La transmission de cette manne hautement Ă©nergĂ©tique s’effectue en direct. On pompe, centrifuge, transforme et l’électricitĂ© produite alimente diffĂ©rents appareils.

— J’ai commencĂ© la journĂ©e en donnant Ă  Marie-Jeanne, une mĂ©nagĂšre de plus de 90 ans qui fait le mĂ©nage Ă  l’ancienne. Elle pousse son aspirateur. Elle prĂ©fĂšre. Elle dit que les robots survolent la poussiĂšre. Elle n’a pas tort. Souvent, leurs concepteurs n’ont jamais caressĂ© du bout d’un balais les troupeaux de moutons qui se cachent derriĂšre nos meubles.

— Tu bougeais pour la suivre ?

— L’extracteur de graisses dispose d’un fil de 5 m, cela suffisait. J’étais assis Ă  table.

— Est-ce qu’elle t’a servi à manger ?

— Juste deux ou trois petits gĂąteaux. Je ne pouvais pas refuser, elle Ă©tait tellement contente de me les offrir.

Lucos regarde le compteur calories de sa femme et dit :

— Entre la graisse pompĂ©e et les gĂąteaux dĂ©vorĂ©s, tu as perdu 38 g.

— J’aurais crĂ» plus, dit Mia. Ce n’est pas grave, je lui ai fait plaisir.

Lucos approuve. Pour lui comme pour Mia, ce qu’on ne donne aux autres ne pourra jamais se quantifier

— Je vois que tu as Ă©tĂ© ensuite chez Sue Halin.

— LĂ , j’ai donnĂ© un maximum. Dans sa cuisine, je fondais comme neige au soleil. Sue a besoin de la dose pour faire fonctionner tous ses robots. Elle a une armĂ©e en cuisine et en salle pour servir un couscous aussi gĂ©nĂ©reux qu’elle. J’adore cette femme. Depuis trois ans, elle pratique le « un couscous achetĂ© pour deux couscous offerts » et nourrit chaque jour des centaines de personnes dans le besoin.

— Son couscous est copieux ? glisse Lucos en ayant les yeux sur les performances du jour de sa femme.

— C’est surtout le meilleur couscous de la planùte. Sue ne comprendrait pas que je refuse d’en manger.

Lucos approuve bien qu’il trouve que parfois sa femme en fait des kilos pour justifier sa gourmande gĂ©nĂ©rositĂ©.

— Tu peux peut-ĂȘtre lui dire que tu veux maigrir. Elle comprendrait sans doute.

— Je veux maigrir
, mais pas m’aigrir en refusant de partager. J’offre du courant, ils me donnent du jus. Si je refuse, ils n’auront plus envie que je vienne transformer ma graisse en Ă©lectricitĂ©.

Lucos sourit. Il doute que les concepteurs de ce rĂ©gime miraculeux aient envisagĂ© qu’il ne fonctionne que si les « indicĂ©s » acceptent de ne pas maigrir ou s’aigrir.