Demain, nous refuserons de connaĂ®tre l’heure de notre mort !
Chaque semaine une prévision vous propulse dans le futur
— Chéri, tu viens de recevoir un SMS de la Sécurité sociale. Tu as 3 923 jours, 4 heures, 36 minutes et 12 secondes à vivre.
— Mince, j’ai oublié d’annuler leurs notifications. Maintenant, je vais demander comment occuper tout ce temps.
C’est déjà demain
Depuis la nuit des temps, on cherche à savoir quand la grande faucheuse va venir faire son boulot. Dans la Chine néolithique, on pratiquait la lecture des os. Les anciens Grecs observaient le vol des oiseaux. En Mésopotamie, la mort se lisait dans les entrailles des animaux.
Aujourd’hui, les scientifiques observent les biomarqueurs.
La mort écrite dans le sang… ou dans l’œil
Des chercheurs de l’institut allemand Max-Planck ont mis au point un test sanguin donnant les probabilités de décès d’une personne dans les 10 ans à venir. Analysant 226 biomarqueurs présents dans le sang, ils détectent les maladies. Ils considèrent que leur test est fiable à 83 %.
Des chercheurs de ReykjavĂk ont dĂ©veloppĂ© un prĂ©dicateur de dĂ©cès. Il indique aux professionnels de santĂ© les personnes ayant un risque Ă©levĂ© de mourir.
Au Royaume-Uni, on a les patients à l’œil. L’examen du fond de l’œil de 47 000 personnes a permis de faire un lien entre l’âge rétinien et la mortalité. Si la rétine d’une personne est plus âgée que son âge réel, le risque de décès est important.
Des IA au stéthoscope
Dans les prédictions, les intelligences artificielles tiennent le haut du stéthoscope. Leur atout est de pouvoir percevoir des signaux faibles, invisibles à l’humain, grâce à la masse gigantesque de données qu’elles ingurgitent.
La section médicale de Google développe une IA capable de définir la probabilité qu’ont les patients entrant à l’hôpital de sortir vivant. Fiable à 95 %, l’IA détecte avant les soignants les détériorations de leur état.
Des chercheurs britanniques ont analysé la marche de 100 000 personnes. Ils ont observé que lorsque les personnes sont atteintes de maladies cardiaques et pulmonaires, elles ralentissent lorsqu’elles sont à bout de souffle puis font de brèves accélérations. Une application basée sur une marche de cinq minutes estime le risque de mourir dans les cinq ans.
Bug système
Si la science détermine des probabilités de plus en plus fines, c’est une autre histoire pour déterminer l’heure de la mort d’un individu.
Les intelligences artificielles traitent des données passées et en tirent des conclusions. Si l’on fume, boit, mange gras et multiplie les excès divers et variés, elles peuvent dire que la faucheuse ne nous permettra pas de faire de vieux os. Si on roule sur une grosse cylindrée à des vitesses excessives, elle dira que le risque est fort qu’elle nous mette sur le bas-côté de la vie. Mais, elle ne peut prévoir qu’un jour l’amour, nous fait préférer les balades en âne, les tisanes et la méditation.
La légende raconte que l’oracle de Delphes a prédit que le poète Eschyle mourrait écrasé par une maison. Il s’exila loin des villes et fut tué par la carapace d’une tortue lâchée par un aigle. Pour les prévisions scientifiques, c’est dans le même esprit. Si elles vont s’accomplir, on ne sait pas quand et comment.
Et si demain, nous connaissions l’heure de la mort !
La mort se caractérise par deux fondamentaux : elle est certaine et indéterminée. Nous savons tous que nous allons mourir, mais nous ignorons quand.
De ce fait, connaître l’heure de notre mort, cela serait…
Pratique
Nous pourrions mieux organiser notre vie sur Terre. Si notre mort est prévu à 62 ans, nous ne nous fatiguerons pas à accumuler des points retraite. On pourra la prendre avant et mieux profiter de la vie. Sur son lit de mort, nous ne regretterons plus d’avoir trop travaillé et consacré trop peu de temps à nos proches.
Nous investirons dans des viagers de personnes à courte vie. Enfin, surtout si elles ignorent leur date de péremption.
Nous éviterons les opérations ou traitements qui nous mettent à plat quelques mois avant notre mort…
Décourageant
L’annonce de notre mort risque de provoquer un profond découragement si la date est proche.
Le manque d’espoir accentuera nos souffrances. Charles de Gaulle disait : « La fin de l’espoir est le commencement de la mort ». On commencera donc à mourir avant d’être mort. Et, on est droit de penser qu’être un mort-vivant, ce n’est pas très confortable.
Stimulant
Enfin, le découragement peut aussi n’être que de courte durée.
On peut aussi prendre conscience de sa finitude et vivre mieux. Le festin de la vie étant limité, on peut commencer à apprécier chaque miette.
Voir le compteur de la mort qui s’affiche peut permettre d’être au plus au clair avec soi et en paix avec la mort.
Et puis, en bon humain, on va essayer d’empêcher la prédiction de s’opérer. Dans la science-fiction, une connaissance avancée du futur permet toujours de changer le passé et d’éviter la mort du héros. Il manquerait plus que nous ne soyons pas les héros de notre propre vie !
Inacceptable
Cela introduirait une profonde inégalité entre ceux promis à une vie longue et ceux dont les jours sont comptés.
On peut juste espérer que cet inacceptable ne serait pas accepté. Et qu’on créerait un grand bûcher pour faire rôtir les scientifiques qui se sont cachés derrière le progrès scientifique, pour créer cette nouvelle inégalité.
Cash-machine
Enfin, il y en aura toujours qui profiteront de cette prévision.
Elle remplira les caisses de la Sécurité sociale qui n’aurait plus à soigner les presque morts.
Les assurances vont se donner à cœur joie en inventant des business modèles plus juteux, car n’étant plus basés sur le risque.
On va avoir des coachs de la mort qui vont nous ruiner pour faire de notre mort, la plus belle fĂŞte de notre vie.
Alphonse Allais disait que « La mort est un manque de savoir-vivre ». Dans ce contexte, prévoir l’heure de notre mort semble de l’ordre de la goujaterie !

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